Le compendium
ARC I – Une nuit au Wanderlust [COP]
- Chapitre 1 – Zathrian Kawaakari – Ouverture
- Chapitre 2 – Le Wanderlust
- Chapitre 3 – La Reine des Abeilles
- Chapitre 4 – Omerta
- Chapitre 5 – Aime-moi plus fort
- Chapitre 6 – Dies Irae
- Chapitre 7 – Petrichor
ARC II – Dans les ténèbres de l’Ordre Noir [ONR]
Prélude :
Bien avant la fondation de l’Ordre Noir, plusieurs de ses membres furent des pirates au sein d’une organisation nommée la COP. Ce qui va suivre raconte l’histoire de Zathrian Kawaakari, sa rencontre avec la COP et quelques unes de ses aventures personnelles.
ARC I – Une nuit au Wanderlust [COP]
Ouverture – Le Bar de Khan
Le sas de pressurisation se referma derrière Zathrian dans un bruit de vérins mal graissés. Il avait parcouru la moitié du système de Stanton pour arriver jusqu’ici, et allait sans doute devoir rendre des services à un paquet de gens pour ça. Mais qu’importe. Ça y est, nous y voilà, songea-t-il en époussetant la neige de son manteau long.
Le teint laiteux de son visage et la démarche hésitante des Citoyens de l’Espace, ne le rendait pas vraiment discret dans la salle. Trop de temps passé en zéro g.
Foutu gravité variable ! Je tiens à peine debout ! Zathrian jeta rapidement un regard circulaire autour de lui, puis décida de s’en foutre.
Zathrian Kawaakari : Cap sur une table !
Bottes de mineur façon Levski, armure totalement dépareillée, manteau en cuir discount, une coupe iroquoise blanche aussi visible que le Mémorial Archibald au milieu de Loreville et un casque de vol custom sous le bras : ce type puait Grim Hex à des parsecs à la ronde.
Khan : Alors ? Qu’est-ce que je vous sers voyageur ? La voix tonitruante de Khan sembla sortir de nul part.
Zathrian Kawaakari : triple sec, avec deux glaçons… pour commencer. Dites-donc, ça caille chez vous !
Khan : Ouais, le froid ça tue les virus… Il marqua une courte pause en faisant semblant de prendre note de la commande.
Khan : … et parfois les clients trop curieux.
Zathrian Kawaakari : Charmant. Je tacherai de m’en souvenir, dit Zathrian en ravalant sa salive. L’homme s’en alla derrière le comptoir, laissant le temps à Zath’ d’observer les habitués du bar. Voyons-voir ce qu’on à là !
Il murmura machinalement pour lui. Uniforme usé, teint blanc, Arclight à la hanche… un freelance pour Covalex peut-être sous couverture ? L’autre type, baraqué et droit comme i, cicatrices, posture militaire, munitions pour railgun sur la poitrine… ça sent le vétéran de la Navy reconverti dans la contrebande de stups. Passons à toi au fond de la salle, qu’est-ce qu’on à là ? Tenue de voyage impeccable, coupe à la brosse, langage propre et sans accents… sans doute un bureaucrate ou un commercial. Toi tu sens l’agent double mon vieux ! Ok, pas de doute ! Je suis au bon endroit, on se croirait presque à la maison !
Khan revint à la charge, un verre à la main.
Khan : triple sec ! Envoyez les crédits !
Zathrian K. : Voilà les UEC, et gardez le pourboire. Dites-donc, au passage, j’ai 8 unités de cargo à destination d’un certain Capitaine Kross. Du Bourbon de Ceillin produit avec amour par la famille Gallete, vous ne savez pas à qui j’dois m’adresser par hasard ?
Khan : Ici c’est moi gère les stocks et on a besoin d’rien. Le Capt’aine il reçoit pas les pékins de l’espace, compris ?
Blasé, Zathrian joua un instant avec les glaçons de son verre.
Zathrian K. : La finesse, c’est pas ton truc à toi hein ?
Khan serra les dents.
Khan : Et toi ? Tu sais ce qui est encore plus drôle qu’un connard dans une boite ?
Nouveau blanc.
Khan : Un connard dans deux boites ! Alors me chauffe pas ! Tu lui veux quoi au patron ?
Zathrian : Une perspective de carrière !
Khan parti d’un grand rire.
Khan : Oh putain, un intello ! Manquait plus que ça ! Et comme carrière, il songe à quoi le génie ?
Zathrian : Dans le genre qui casse les couilles à l’Empire, répliqua Zathrian avec un sourire sardonique. Le Bourbon c’est juste un cadeau de bienvenue, vous pouvez garder la cam’. Alors, on peut discuter sérieusement ?
Khan s’assit pile en face de lui, les bras croisés sur la table, le regard droit dans les yeux. Le scintillement des hologrammes publicitaires dansait sur son visage. Il poursuivit.
Khan : On peut s’entendre ouais, mais des spacepunks à chien comme toi j’en vois un Caterpillar plein tous les jours. M’en veut pas, mais Kross s’déplace pas pour du vent. Tu sais faire quoi ? Mécano, peut-être ?
Zathrian : Seulement si vous voulez faire exploser quelque chose ! J’suis pas mauvais pilote par contre.
Khan : Ah oui mais non ! Il faut te réveiller mec, on est en 2948 ! Même ma grand-mère elle pilote un Aurora ! Autre chose ? Parce que là, pour la COP c’est light !
Notre voyageur senti gentiment la pression monter en lui aussi vite qu’un Arrow dont on aurait écrasé la manette des gaz. Son visage de trentenaire se crispa, et l’une de ses mains glissa doucement vers la poche intérieure du manteau.
Zathrian : Ok, reprit Zath’ en grinçant presque des dents. Je récap’ ! Mécano, j’touche pas une bille. Des gros bourrins t’en a à la pelle, des pilotes tu t’en cognes… en somme t’as tout, quoi ! Et des comme CA, t’en as déjà ?
Dans un ‘’cling’’ métallique, Zath’ claqua violement un objet contre la table avant d’en retirer sa main. Tous les regards s’étaient tournés vers lui.
Zathrian : Toi et moi, on va la jouer différemment maintenant, dit-il en poussant une petite plaque gravée vers Khan. Je me présente ! Zathrian Kawaakari, matricule EE2943180120… membre de l’Advocacy. Envoyez-moi le patron, nous avons à causer !
Sur ces belles paroles, une sensation gênante parcourut soudain l’échine de Zathrian : le froid glacé d’un canon collé contre sa nuque.
Zathrian : Eh merde ! J’aurai dû le voir venir !
Le silence mort de l’espace avait envahit les lieux. La pièce ne baignait désormais plus que dans le ronflement de la ventilation, accompagné du sifflement d’un l’Arclight chargé. Après une courte attente qui lui sembla durer des jours, Zathrian décida de reprendre les choses en main.
Zathrian : Bien. J’imagine que j’ai maintenant l’attention de tous ! Je vous en prie, prenez place autour de moi. Nous allons discuter un moment et…
L’homme sembla hésiter un instant, comme incommodé par quelque chose qu’il ne pouvait définir.
Zathrian : Madame Highfall ! Si vous souhaitez utiliser cette arme, peut-être devriez-vous enlever la sécurité ? Vous ne feriez pas la bêtise de buter un membre de l’Advocacy, n’est-ce pas ? Bon. Allons-y.
Voyant qu’il commencé à sérieusement taper sur les nerfs de l’assemblé, mieux valait pour l’intrus ne pas trop tarder. Il avala son verre d’un trait puis se lança.
Zathrian : Comme je l’ai dis, mon nom est Zathrian K-A-W-A-A-K-A-R-I ! Mais j’imagine que ça, ça ne vous évoque rien. Normal. Je ne suis plus rien. Ou plutôt, ma famille n’est plus rien aujourd’hui. Pourtant il y a plus que deux décennies, mes grands-parents, alors encore simples colons ont fondé une célèbre compagnie : la Fédération des Familles Sidérales Kawaakari. C’était une association de plusieurs familles de freelances travaillant dans le commerce et les échanges long-courrier, avec une spécialisation qui nous était propre : le xéno-commerce. Grand-mère Moïra et papy Sisu ont passé toute leur putain de vie à rendre le vide sidéral un peu moins grand et froid.
Bien entendu, une fois en âge de gérer le commerce de la famille, mon père à pris la suite. J’vous passe les détails.
Le regard de Zathrian sembla soudain rêveur, l’esprit loin et pensif. Pour la première fois depuis son entrée dans le bar il eut un sourire franc et apaisé, ses traits s’adoucirent quelque peu.
Il parut rasséréné, puis reprit son monologue.
Zathrian : Ouais ! Mon père était du genre cool et réfléchi, avec une sainte horreur des pirates et des militaires. Il était un peu naïf, mais mamie Moïra disait qu’il géré ça comme il faut. Je me souviens qu’à l’époque je passais plus de temps dans les cales des Caterpillar et des Freelancer que devant une holotable d’école. Ma mère disait tout le temps : »la propagande de l’Empire tu peux aussi bien l’apprendre tout seul, je ne donnerai pas un seul crédit à ces idiots pour t’envoyer là-bas. Sort un peu de ton cockpit et rencontre du monde ! ». Ça, pour croiser du monde ! J’en ai vu ! Là où les autres compagnies ne traitaient qu’avec des humains, la F.F.S.K était spécialisée dans le commerce avec les espèces aliens. Banu, Xi’an, Tevarin et même parfois des Kr’Thak ! Notre société avait des hangars attitrés sur presque tous les Merchantman ! C’est comme ça que nous avons fait notre célébrité, en allant là où les autres ne pouvaient pas !
Khan émit un raclement de gorge très sonore tout en se passant la main dans les cheveux.
Zathrian : Ok, ok j’abrège, reprit rapidement Zath’. On arrive au moment crucial ! Khan, remet donc une tournée pendant ce temps ! Maintenant ! Terminé les contes de fées bordel, c’est là que vint le temps des emmerdes format cargo ! De 30 familles associées à la Fédération Kawaakari en 10 ans, nous sommes passés à 300 puis 3000. Eh bin ça commencé à faire une sacré cible sur le radar des concurrents. Encore une fois, j’vous passe les détails mais grosso modo Covelex, Ling, Red Wind et tous les autres nous sont tombés dessus comme les Nine Tails sur de la laranite ! Vous imaginez bien la suite… Du jour au lendemain, tout Spectrum nous a associé à l’incident de Gundo. Nous étions des »traîtres pactisant avec des aliens contre la souveraineté de l’Empire et la dynastie Messer ». Crusader à envoyé mon père sur Aberdeen pour un voyage sans retour et ma mère a disparut lors d’un raid Vanduul. Mon cul, ouais ! Bon sang, si j’avais su que c’était la dernière fois que je voyais papa et maman…
Un lourd silence s’abattit à nouveau dans le bar, et cette fois personne n’osa le briser. Pourtant, Zathrian sentit à nouveau une présence dans son dos. Ce n’était pas le canon froid d’une arme, mais une main viril qui lui tapa dans le dos : celle du Capitaine Kross.
Kross O’Mayer : Vas-y fils, lui lança-t-il pour la première fois. Termine ton histoire. On t’écoute.
Khan : C’est vrai, coupa Khan, on est avec toi. Mais ça n’explique TOUJOURS PAS ta putain de plaque !
Zathrian : J’y arrive, répliqua Zath’, c’est aussi ce qui m’a mis sur le chemin de la COP. En quelques semaines à peine, il ne restait plus rien des années d’or. Ni de la F.F.S.K, ni de nos xéno-alliances, ni de ma famille. Mes parents et gérants n’étaient plus là, et les autres familles associées se sont faites lyncher avec un scattergun médiatique. Nous : ma frangine, mon frère Murrma et moi n’étions que des gosses. Ma sœur Cordelia à vendu son âme pour un Hull et un hangar sur ArcCorp, tentant au passage de sauver ce qu’elle pouvait de notre héritage. Murrma, lui, était devenu fou de rage ou de chagrin, complètement incontrôlable. La dernière fois que je l’ai vu, il était en partance pour la Navy en jurant de génocider les Vanduuls. Et moi ? C’est là qu’entre en scène l’Advocacy. Quelle connerie j’ai fais j’te jure ! J’ai refusé de voir le travail de deux générations disparaître comme ça, et puis il fallait bien que quelqu’un veille sur Cordelia. Du coup, l’Advocacy pouvait me permettre de laver l’honneur de ma famille et d’buter tous les traîtres qui nous ont trahit au passage. J’vous cache pas que j’ai roté du sang le temps de la formation… c’est… une expérience qui laisse des traces.
Entre deux arrestations de camés à la Widow, les longs voyages en quantum m’ont laissé le temps de réfléchir. Seul face à moi-même. Petit à petit j’ai pu connecter les pièces d’un puzzle galactique. Relier les fils invisible, pister des vaisseaux, trouver des indics, les faire coopérer, hacker des terminaux et imposer le silence… y’a pas à dire, l’Advocacy forme bien ses membres ! Du fond de la couchette de mon Aegis, j’en ai parfois encore des sueurs froides. Alors si je suis ici, sur un fils ténu entre la vie et la mort, entre l’Advocacy et le terrorisme, c’est parc’que je suis dans une impasse. Aujourd’hui quand je regarde l’Empire, je vois les schémas, les connexions, comment tout se goupil. C’est comme voler a bord d’un Drake, toute l’ossature est visible et franchement… ça donne envie de gerber. Le problème c’est que maintenant, tout ça me dépasse. J’ai beau trouver tous ces sales rats qui ont tuer me parents, je ne plus les atteindre. Les petits frappes sont devenus les rois d’un empire, les sous-fifres des PDG et les sociétés indépendantes des firmes multi-galactiques. Apparemment les balances ont une belle carrière !
Zathrian soupira bruyamment, comme s’il venait de se défaire d’une lourde armure.
Zathrian : Écoutez. Je pilote comme un chien, je ne sais pas tirer droit et je me chie dessus à chaque fois que je croise un Vanduul. Mais croyez-moi. Si vous avez besoin de retrouver quelqu’un, d’un agent infiltré derrière les lignes, d’un data-runner ou d’un roi de l’intel et de la stratégie je suis le meilleur ! Pour conclure, je possède un truc que personne d’entre vous n’a ici: un casier judiciaire vierge !
Zath’ commanda encore une tournée tout en partant d’un grand rire :
Zathrian : Vous saisissez toute l’ironie ? Devenir corsaire pour retrouver son honneur ! Y’a quelque chose de vraiment pourri dans l’Empire des Messer, et il est temps que quelqu’un s’y colle pour faire le ménage !
Kross O’Mayer : Alors Zathrian. Tu proposes quoi maintenant ?
Zathrian : Maintenant ? J’ai vu ma famille et mes compagnons disparaître pour avoir tenu tête à l’Empire et à tous ces connards corrompus. J’ai vu ces mêmes connards passer impunément de racailles à baron du crime. J’ai vu les camps d’entrainement de l’Advocacy et les malades mentaux qui leurs servent d’instructeurs. J’ai vu la fange de la galaxie et la misère des esclaves qui tentent simplement de survivre. J’ai vu la drogue, le viol, le racket et tous les autres cavaliers du capitalisme des Messers. J’ai vu le sort réservé à ceux qui ne savent pas fermer leur gueule. J’ai vu ma sœur devenir une pute ! J’ai vu mon frère devenir une arme ! J’ai vu le sang que j’ai sur les mains. Alors maintenant… MAINTENANT… ILS vont me regarder droit dans les yeux… et je vais leur montrer l’enfer !
Zathrian marqua une courte pause. Un sourire sardonique et malsain parcourut son visage.
Sa voix devint douce, comme un murmure, comme une promesse.
Zathrian : Maintenant Capitaine. On sort les poubelles !
Chapitre 2 – Le Wanderlust
Femme inconnue : We o no táosheng, izbegat’ Babylon !
Un léger rictus se dessina sur le visage de Zathrian.
Zathrian : Oui. Ça nous le voulons tous. Ne vous fiez pas aux néons chatoyants et aux murs blancs, la Zone 18 reste une prison pour tous ceux qui n’ont pas la chance d’être des nantis.
Femme Inconnue : Zich aansluiten !
Zathrian : Non ! Nié Sabiru, pas de Sabir ici ! Parlons dans la langue de l’Empire, je vous prie, comme les gens civilisés. Mieux vaut ne pas attirer l’attention, car dehors les murs ont des oreilles.
Femme Inconnue : Pardon, c’est l’habitude des Bas-Quartiers ! Comme je viens de vous l’expliquer, je veux fuir Babylon… je veux dire ArcCorp, et essayer de sauver ma famille. Vous êtes à présent mon dernier espoir ! Je vous en prie !
La supplique était classique et rébarbative. Combien de fois avait-il déjà entendu ça ? Zathrian Kawaakari préférait ne pas s’en souvenir comme tant d’autres choses de sa vie.
Dans la pièce sans fenêtre et à peine éclairée, l’air était saturé par la fumée des recycleurs d’air en piteux état. A chaque mouvement il pouvait entendre le faux cuir du fauteuil Chesterfield craquer sous ses gestes.
Sur son bureau, des leds jaunâtres projetaient des éclats de feu sur la chevelure rousse de sa cliente.
Elle avait les reflets cuivrés et dansants d’un midi sur Daymar. Même avec la lumière tamisée, ses fines boucles semblaient prêtes à s’embraser. Il pensa :
Zathrian : Magnifique petit oiseau de feu ! Tu es à moi !
Aucun maquillage ne venait gâcher la nudité de ce visage aux pommettes seyantes et constellées d’une galaxie d’éphélides, qu’un petit nez arrondi et presque plat venait surmonter.
L’ensemble respirait la féminité aux accents d’une quelconque divinité viking perdue, drapée dans une robe émeraude.
Ce n’est rien, reprit Zathrian en clignant des yeux. Reprenons du début en commençant par me dire ce qui vous fait croire que je peux vous aider.
Femme Inconnue : C’est Zara Pochemuchka qui m’envoie…
Zathrian : Elle ?
La réplique lui échappa machinalement.
Zara ! Comment avait-elle pu imaginer qu’il aiderait quelqu’un comme ça, sorti de nulle part. Voilà qu’elle joue les entremetteuses celle-là. Elle ne doute de rien ! Voyons où cela nous mène, songea monsieur Kawaakari.
Zathrian Kawaakari : Madame Mangata, je n’ai pas pour habitude d’aider les relations de Pochemuchka vous savez.
Opia Mangata : Je n’ai pas non plus pour habitude de mendier, coupa-t-elle sechement. Cela dit elle semblait suffisamment vous connaître pour croire que vous ne refuseriez pas de m’aider.
Zathrian : Oh, vraiment ?
L’encolure de son vêtement laissait apparaître le V naissant d’une généreuse poitrine. Zathrian tenta de discrètement détourner le regard. Perdu ! Elle réajusta son haut.
Opia Mangata : Vous savez monsieur Kawaakari, de là d’où je viens, tous connaissent le nom du Wanderlust et… ce que l’on peut en obtenir ! Dans cette mégapole, chaque jour est un combat pour la survie. J’ai peur. J’ai peur pour ma famille, j’ai peur pour moi, j’ai peur tout le temps. Savez-vous ce que c’est que de vivre constamment dans la crainte ? D’avoir un étau qui vous serre au ventre jour après jour jusqu’à vous broyer. On guette les bruits de pas, les murmures. On écoute le son des sirènes au loin et les rumeurs de la rue. Je suis épuisée et je ne sais pas combien de temps je vais encore pouvoir tenir psychologiquement. La rue me tue, je suis à bout, il faut que je sorte d’ici ! Et puis… il y a tous ces alguazils, je veux dire les types de l’Advocacy qui rôdent… Je n’ai plus qu’une seule solution, tout quitter, aujourd’hui !
Sa phrase mourut dans un cri aigu. La rousse marqua une courte pause, tentant de retenir une larme qui glissait déjà sur sa joue laiteuse.
Tu joues bien petit oiseau, mais la rue ne te colle pas vraiment à la peau on dirait ! Dis-moi en plus ! Songea Zathrian pour lui.
Zathrian : Vous êtes traquée par quelqu’un ?
Opia : Non, non je ne crois pas. Je ne sais pas. D’après Zara…
Zathrian : Oubliez Zara, rugit-il non sans une once d’agacement. Ici c’est mon bar, ma ville, c’est moi qui fixe les règles du jeu.
Opia : Oui, bien sûr monsieur Kawaakari. Comme vous voudrez.
Zathrian : Vous pensez donc à vous rendre sur le R&R le plus proche j’imagine ? C’est la solution classique, pour commencer une nouvelle vie. De là-bas vous trouverez bien quelqu’un pour vous enmenner vers la destination de votre choix. La plupart y arrive sans trop de mal.
Opia : Non ! Si je suis venue à vous, si j’ai pris tous ces risques, c’est precisemment parce que personne ne veut m’enmenner à ma destination.
Zathrian : Intéressant. Quel est donc votre projet ?
Opia : Je veux rejoindre Grim Hex !
Zathrian s’étouffa presque avec sa salive.
Zathrian : Voilà qui n’est pas banal ! Si vous voulez vous tuer, je connais des moyens plus simples… et bien moins chers. Pourquoi voulez-vous vous rendre dans un lieu que tout le monde fuit ? Là-bas il n’y a que des pirates et des exilés dans l’attente de la mort. Hex n’est pas vraiment un refuge hospitalier pour une dame… et encore, pour peu que vous arriviez jusqu’à son sol. C’est un aller simple sans aucune possibilité de retour, et là je ne parle pas que du voyage physique.
Opia : Je sais déjà tout cela. A vrai dire la mort dont vous me parlez et qui m’attends peut-être là-bas, sera toujours préférable à cette vie impossible et sans saveurs. Il y a quelqu’un que je dois rencontrer à tout prix, finit-elle dans un murmure presque inaudible..
Elle avait ses ongles enfoncés dans les accoudoirs du siège imitation bois.
Zathrian : Pour être franc madame Mangata… votre agenda m’importe peu ! Une fois notre pacte conclu puis révolu, vous pourrez bien devenir ou faire tout ce que vous souhaitez ! Quoi qu’il en soit, un tel défi m’amuse. J’accepte de vous aider.
Les yeux couleur grain de café d’Opia Mangata roulèrent en silence sous des sourcils fins et duveteux. Le soulagement se lisait sur son visage.
Au loin, à travers les murs en duracier on distinguait la clameur du Mass Center. Le sifflement d’un moteur ionique, l’echo des publicités holo’ et l’agitation des rues insomniaques se mélangèrent au ton feutré de la pièce. La nuit était déjà bien avancée et c’était comme ça, l’ArcCorp de 2950 ne dormait jamais. L’ArcCorp de 2950 n’oublait jamais. L’ArcCorp de 2950 ne pardonnait jamais.
Je vois, laissa tomber Zathrian d’un ton pensif. Si je résume, vous souhaitez fuir La Zone 18 à destination de Grim Hex. Cela risque d’être impossible par les moyens habituels, même avec un cargo militaire détourné et maquillé. Idem pour un Prospector, les vols civils vers cette région ont tendance à être… hasardeux. Seuls les chasseurs de prime et les criminels vont sur Hex. Ces routes sont sous haute surveillance. Une longue préparation risque d’être nécessaire si vous souhaitez arriver là-bas vivante. Et ceci étant dit, vous devrez vous débrouiller toute seule une fois sur place. Cela ne fait pas partie de notre accord. Pour commencer il va donc falloir vous escorter jusqu’au Mémorial Riker en toute discrétion, préparer une fausse identité, vous exfiltrer et voyons…
Zathrian fit mine de consulter son pad sans pour autant lâcher la femme des yeux. Quel âge peux-tu bien avoir ? Sa voix semblait celle d’une enfant, mais son visage trahissait quelques pattes d’oie camouflées derrière des mèches rebelles. Non, non ça ne colle pas ! Il manque un élément ! Tu me mens ! Perdu dans ses conjectures, il y eut un instant de flottement particulièrement gênant.
Un trait de Nick’s Mistake l’aida à remettre ses idées en place. Sentant la force de l’alcool puis le parfum doux et boisé s’insinuer en lui, son esprit s’aiguisa. En piste !
Concernant le paiement, reprit Zathrian sans perdre le nord, madame Pochemuchka vous a-t-elle mise en garde ?
Voyons si tu acceptes le prix fort petit oiseau !
Opia : Non, pas tout à fait ! Mais je veux parler de mes garanties avant !
Zathrian : Je ne pense pas que vous soyez réellement en position d’exiger quoi que ce soit actuellement.
Opia : Je n’ai presque rien à offrir vous savez, quelques crédits… Nous pouvons nous arranger n’est-ce pas ? Quel est votre prix ?
Oh, tu n’as pas idée de ce que tu as à offrir ! Il sentit doucement sa main glisser sous le meuble à la recherche d’un tiroir dont il avait presque oublié l’emplacement. Elle tâtonnait dans la semi-pénombre, priant pour rester discrète. Le Registre, songea monsieur Kawaakari.
Zathrian : Nous trouverons un accord, dit-il en joignant ses mains sur la table. L’Advocacy en revanche, cela risque de poser un problème. Si vous n’avez pas été discrète ces derniers temps nous allons tous le regretter.
Un autre trait de Nick’s Mistake lui permit de se rasséréner. Nous y voilà. A ce stade je ne peux plus faire la fine bouche. Un sourire carnassier et prédateur prit soudain forme sur le doux visage de Zathrian. Nul doute que le diable savait aussi jouer l’ange et c’est peut-être même dans ce rôle qu’il était le meilleur !
Zathrian : Ne vous inquiétez madame Mangata, les UEC ne m’intéressent pas ! Vous pouvez garder votre argent. Voilà comment cela va se passer. Vous allez poser votre main gauche sur ce pad, et ce dernier va enregistrer votre empreinte ainsi que la signature de votre MobiGlass. La transaction sera effective une fois le contrat bouclé. Le reste ne vous concerne pas.
Data dox, articula Opia absolument écœurée. C’est donc ainsi que vous fonctionnez, vous, tous les speakeasy de cette maudite planète.
Zathrian : Pardon ?
Opia : Vous vous appropriez la data des gens faibles qui échouent dans votre bar, et vous pratiquez sa dox, son vol ! En échange d’un service vous vous accaparez l’identité de vos clients, leurs interactions, leurs souvenirs, tout ce que contient leur MobiGlass. Tout ce qui les rend réels ! Leurs moindres faits et gestes, leur âme virtuelle sont à vous… puis vous les effacez à jamais !
Il toussa nerveusement, puis recadra d’un ton placide.
Zathrian : Madame, en franchissant la porte du Wandelust vous saviez à quoi vous attendre, non ? Je ne vous vole pas, c’est insultant ! J’échange effectivement un service contre quelque chose dont vous n’aurez plus besoin en ce monde. Signez le contrat ou quittez cette pièce, mais ce sera ma seule proposition. Vous avez le choix.
Je te tiens petit oiseau de feu !
Opia : Bien entendu.
La tête entre les mains, elle semblait désespérée.
Zathrian : Vous acceptez donc le marché ?
Opia : Oui. Mais avant j’aimerais savoir ce que vous pouvez bien y gagner.
Ah, nous y voilà ! La confession sur le divan !
Zathrian : Bien. J’y concède. Voyez-vous la dynastie des Messer nous écrase tous d’une façon propre. Mille personnes, mille souffrances différentes. Nous avons tous sacrifié quelque chose pour survivre. Nous avons abjuré une partie de notre humanité, oublié et effacé une partie de nous. C’était le prix à payer. Nous aurions dû nous souvenir et souffrir pour apprendre, nous avons préféré oublier pour vivre confortablement. Cela est intolérable. Je veux conserver tous ces petits riens, ces choix et ces émotions qui font encore de nous des êtres humains avant… avant que le néant du digital et de l’ultracapitalisme nous broient définitivement, nous transforme en des machines de chair. Voyez-moi comme un gardien, un conservateur de ce que vous êtes et de ce que vous avez été, de ce que vous avez perdu mais qui est encore en vous. Vos données MobiGlass ou votre data est ma monnaie d’échange, vous n’avez pas idée du prix des souvenirs dans une société amnésique ! Le savoir est en quelque sorte mon pouvoir.
Zathrian sourit d’une expression peu convaincante.
Opia : Vous travaillez pour Les Pourvoyeurs n’est-ce pas ? Ultramarine ? Ou bien pour la COP ?
Zathrian : Sachez madame que mon environnement professionnel est de nature plutôt complexe, et que les gens qui s’y penchent possèdent généralement une espérance de vie plutôt réduite.
Avance petit oiseau, allez, encore un pas ! N’aie pas peur !
Opia : La confession secrète du bourreau avant l’abatoire… rumina-t-elle.
Arg! Tu sens Pochemuchka à plein nez !
Zathrian : Je n’ai pas la prétention d’avoir des secrets pour qui que ce soit, madame. Dans une ville de près d’un milliard d’habitants ce serait d’un optimisme outrageux. Vous ne pensez pas ?
Opia : Faites-moi quitter ArcCorp, prenez ma data et allez au diable !
Zathrian : Bien ! Dans ce cas, veuillez signer Le Registre.
Zathrian fit glisser sur la table un pad au design atypique. La fine dalle était enchassée dans un écrin en cuir véritable d’un brun profond. Elle avait l’apparence d’un antique livre avec son cordon rouge en soie sur la reliure. L’écran affichait l’empreinte scintillante d’une main ainsi que de multiples cachets et autorisations officielles.
Opia Mangata parcourra rapidement l’objet de l’index avant d’y apposer sa main sans trembler.
Une nouvelle cage vient de s’ouvrir, songea Zathrian.
Opia : Voici
Zathrian : Marché conclu ! Il y a quelques points techniques dont je dois traiter avec mes contacts avant que nous puissions commencer. Nous nous reverrons très bientôt, je vous le promets. En attendant pourquoi ne pas rejoindre la soirée qui va commencer dans mon établissement et vous détendre ?
La cliente quitta la pièce dans le claquement des escarpins sur le parquet en bois. Sa démarche très féminine semblait légèrement forcée, mais cela ne manqua pas pour autant d’éveiller l’intérêt d’un Zathrian Kawaakari bien intéressé par ce balancement de hanches. Cet échange lui avait manifestement ouvert l’appétit.
Chapitre 3 – La Reine des Abeilles
Irénée Nunchi : Je te dérange peut-être ? Tu crois sérieusement que je ne t’ai pas vu la fixer ?
Irénée Nunchi était adossée au cadre de la porte dans une robe fourreau noir à dentelle, embellie d’un sautoir en pierres blanches. Les deux perles gris-vert sur son visage le foudroyaient d’un regard qui aurait fait rentrer n’importe quel homme dans un trou de souris.
Zathrian Kawaakari : Oh ! Bonjour ma Reine, je ne t’avais pas entendu !
L’ébène de son carré plongeant passa instantanément à une rivière rousse tombant sur ses épaules. Cela adoucit quelque peu son air sévère.
Zathrian : Non ! Tu ne peux pas faire ça Irénée, ici il y a des règles enfin ! Nous étions d’accord ! Pas d’implants en public !
Irénée Nunchi : J’ai créé ce lieu pour toi, non ? Alors je fais ce que je veux ! Et puis mon Zath’… comme si tu pouvais me refuser quoi que ce soit !
Elle mima une moue boudeuse typiquement féminine.
Zathrian : C’est dingue ! Je n’arrive toujours pas à comprendre ça !
Irénée Nunchi : Quoi donc ?
Zathrian : Les Abeilles sont capables de simuler presque toutes les émotions humaines mais sont ignorantes de tous les gestes d’amour élémentaires. Il faudrait réellement que je rencontre ton major un jour !
Irénée : Si tu veux tout savoir, il est mort ! Principalement par ma main… mon Zath’ !
Zathrian : Principalement ?
Irénée : Oh tu sais la formation des Abeilles n’est pas glorieuse et c’était une période troublée. Tout cela est arrivé bien avant que tu viennes me délivrer, dit-elle en tortillant une mèche avec son doigt.
Zathrian : Principalement ?
Irénée : Comme tu es mignon ! Tu souhaites avoir encore plus de détails sur ce fait ou tu préfères que je la rappelle elle ? Tu avais l’air de bien t’amuser. J’ai presque de la peine !
Il fit mine d’éviter sa pique verbale.
Zathrian : A ce propos Irénée, que penses-tu d’elle ?
Elle leva les yeux au ciel et son teint vira subitement au rouge. L’image d’une bouilloire sur le feu lui traversa l’esprit.
Irénée : Une vraie femme du monde aurait pris ça pour une insulte, répliqua-t-elle en croisant les bras sur le ventre. Tu aurais même mérité une gifle ! Quant à elle, je n’ai pas grand chose ! L’accès à son biographème me révèle uniquement que c’est une déviante. Elle n’est manifestement pas une habituée du Wanderlust, ni une native d’ArcCorp. Il faudra demander à ton amie Zara pour plus d’information. Le scan de son MobiGlass n’a rien révélé de particulier non plus. Impossible de dire comment elle est arrivée ici, te voilà bien aidé !
Zathrian : Une déviante ? Je vois, elle ne parlait donc pas de sa famille à proprement parler. Les déviants n’ont pas d’enfants c’est impossible, les mutations génétiques liées à l’espace le leur interdisent. En plus, ils passent généralement le plus clair de leur temps à errer en zéro g. Garde un œil sur elle, tu veux, elle est louche !
L’homme s’affala dans son fauteuil Chesterfield, les pieds sur le bureau, les mains derrière la tête.
Irénée : Oh ne t’inquiète pas, ça j’y compte bien ! Et pas uniquement sur elle, hein ! Tu ne comptes quand même pas l’aider, non ? On n’a rien sur elle !
Zathrian : Je ne sais pas encore mais je ne crois pas non plus que nous ayons trop le choix, en ce moment les affaires ne sont pas bonnes. Il faut à tout prix maintenir notre activité pour ne pas perdre le club. Son jeu n’est pas clair c’est certain, mais elle semble vraiment désespérée. Pour le moment elle est clean ! Voyons comment les choses évoluent.
Irénée : Quel bon samaritain ! Père Zathrian Kawaakari du Saint Wanderlust ! Tu ferais la paire avec cette catin de Pochemuchka et ses foutus Pourvoyeurs ! Ça te perdra un jour.
Irénée passa comme un félin autour du bureau en faux chêne laqué, puis se laissa tomber mollement sur les cuisses de Zathrian. De sa place il jura qu’elle passait la pièce en revue.
Irénée : Moui ! Il faudrait vraiment songer à ajouter des fenêtres dans cette pièce. C’est d’un lugubre ! On dirait presque mon ancienne salle d’interrogatoire ! A moins que tu aimes ce style, petit coquin ? Tu sais, la Reine pourrait t’organiser une séance privée !
Les doigts de Zathrian glissèrent à présent dans les cheveux d’Irénée tandis qu’il l’enlaçait de son autre bras. Elle avait la peau douce et chaude avec une légère note sucrée. Du parfum de Terra ! Irénée tu es fantastique !
Tu as vérifié l’ancrage au serveur, lui demanda doucement Zathrian ?
Irénée : Pas de risques ! Du côté physique tous les ports du cluster Beowulf seront verrouillés après l’ouverture vers le réseau, nous n’avons rien à craindre. Notre dispatch de connexion est abandonné depuis des lustres, hors d’atteinte de la portée de scan des bots d’ArcCorp. Le Wanderlust devrait être à l’abri pendant quelques temps. Du côté VR, les firewalls DMZ sont déjà en place en mode applicatif et le système IPS fonctionne à plein régime.
Un ’’oui’’ aurait suffit !
Il fit semblant de comprendre la réponse puis bascula la tête d’Irénée en arrière pour l’embrasser amoureusement. C’était une façon habile de couper une conversation qui l’ennuyait au plus haut point. Elle, se laissa faire puis se dégagea comme si de rien n’était.
Aussi mal à l’aise avec les vraies femmes qu’avec la technologie, « son Zath » était bien content qu’elle remplissait les deux fonctions à la fois ! La Reine des Abeilles gérait presque tout à sa place, y compris sa vie affective, et c’était tant mieux.
Irénée : J’ai déjà lancé la procédure de hack, reprit-elle sans émotion, mais nos invités commencent à s’impatienter !
Zathrian : Bien, ne perdons pas de temps dans ce cas ! Ouvrons les portes à nos invités et prépare « Le Chant de la Reine », je vais me joindre à eux !
Alors que le bruissement de la robe échancrée accompagna lrénée jusqu’à la porte, Zathrian n’avait qu’une seule pensée à l’esprit. Un sentiment fixe, insatiable et pourtant impossible.
Je t’aime, murmura-t-il pour lui.
Chapitre 4 – Omerta
Dans la Zone 18 d’ArcCorp, loin au-dessus des cimes d’une forêt artificielle, par-delà le branchage de l’hyper-consumérsime et la pluie d’électrons, flottait une lune pâle noyée dans un firmament digital. Le soir numérique et implacable s’était installé, se muant en une nuit sombre et brutale comme la foule qui la peuple.
Ici, les inhibitions et les tabous d’ailleurs tombaient comme le rideau d’un théâtre. Ici, franchir la barrière du légal, faire le grand saut dans le prohibé et libérer l’esprit de son corps c’était devenir autre chose. Mourir pour renaître à nouveau.
Il flottait au Wanderlust un doux parfum de rêves sans lendemain, celui que l’on peut toucher sans attraper, celui qui promet espoirs éphémères et désirs inassouvis, celui qui enivre et embrume l’esprit.
C’était une fragrance puissante et omniprésente, descendue des éthers pour aller se perdre et s’insinuer dans les bas-fonds de l’âme humaine. Là-bas, elle y tapissait les entrailles d’un verni de vice toléré et de sucre défendu.
Ainsi, loin du chaos de Babylon dans les profondeurs d’un songe sans sommeil, dormait le seul Salut des Hommes d’aujourd’hui : la fuite platonicienne.
A en croire ses adeptes, cette cave aux allures de tripot clandestin n’était qu’une distraction, une échappatoire dangereuse entre deux matraquages d’obligations. Pour d’autres c’était un espace de liberté indompté et incorrect, quoiqu’une étape de plus sur la route de la folie.
Pour Zathrian Kawaakari c’était tout autre chose. Son speakeasy était sa raison de vivre, un phare en pleine tempête réticulaire, une lanterne licencieuse dans un océan fasciste. Il guidait ceux qui, par excès d’humanité n’avaient su bâtir autour d’eux des douves les protégeant de l’insanité du monde moderne.
Alors, ce n’était pas un hasard si ici convergeait toutes les nuits ces cœurs nus avalés par la démence urbaine, ces aliénés n’ayant pour seul refuge que la possibilité de fermer les yeux un instant, et tenter d’oublier tout ce qu’il y a autour.
Ça n’était rien d’autre que cela : un asile sauvage dans une ville où le réel écrase tout. Qu’importe si l’on y risquait sa vie à chaque entrée.
Mourir inconscient était toujours mieux que vivre sans rêver.
Un à un les membres firent leur entrée dans le club. Les premiers étaient les contacts privilégiés de Zathrian. Il s’agissait d’administrateurs, de membres de l’élite, d’apparatchiks, d’indics, de grands trafiquants ou d’hacktivistes. Ceux-là bénéficiaient d’un canal crypté ainsi que d’un accès complet au club avec parfois même un bureau privé pour leurs affaires. La taille de celui-ci était proportionnelle à celle du carnet d’adresse de son hôte. A Babylon, rien n’était gratuit !
Parmi les autres on pouvait compter des petites frappes, de simples salarymen et généralement tous ceux résidant dans la Zone 18. Monsieur et madame tout-le-monde ne bénéficiaient d’aucun privilège, hormis celui de passer une soirée mémorable. De temps à autre certains téméraires osaient pousser la porte du bureau de monsieur Kawaakari pour lui demander son aide. C’était là un voyage sans retour tous le savaient.
Inconnu : Alors comme ça tu fricotes avec la COP et la Reine des Abeilles maintenant ? Si on m’avait dit que je verrai ça de mon vivant ! Tu parles d’un digne représentant de l’Advocacy ! Envoie une tournée et elle à intérêt à être à tes frais !
Une voix rocailleuse partit d’un grand éclat de rire. La réplique s’était échappée du dos d’un gilet Ati Fiore bleu pétrole dont les coudes semblaient comme vissés au comptoir du bar.
Zathrian : Qu’est-ce qui amène ta sale tête de tribun dans mon club après tout ce temps, Balter ?
Balter Skint : J’ai vu de la lumière, alors je suis entré ! Et pour répondre à ta prochaine question… oui je suis déjà au courant, et non tu ne peux pas savoir comment !
L’impeccable gilet bleu ne tarda pas à révéler le visage d’un dandy asiatique au faciès émacié. Celui-ci était piqué de deux yeux bruns en amande à l’air inquisiteur. Les plis de son vêtement style post-moderne dissimulaient à peine sa musculature inexistante. Il fit nerveusement rouler sa chevalière de Haut-Avocat autour du doigt. Le geste était suffisamment discret pour passer inaperçu, mais assez visible pour envoyer à tous un message clair : je peux te faire vivre un enfer !
Balter Skint: Je me souviens parfaitement du jour ou toi et moi on a récupéré cette dame sur Spyder. J’ai l’impression que ça fait des années ! C’est étrange comme le temps s’efface sans repères. A la fin tout devient flou.
Zathrian : Oui, je connais ça aussi. Un des nombreux cadeaux de la Régénération et ses multiples lavages de cerveaux !
Balter fit rouler ses épaules comme un sportif avant une compétition, puis repris.
Balter Skint : Pour tout te dire, j’étais venu te causer de deux ou trois choses. Je te préviens tout de suite… tu vas pas aimer.
Zathrian : C’est au sujet du Star Runner ?
Zathrian se frotta les yeux du bout des doigts, il sentait la prise de tête s’approcher en vitesse de quantum.
Balter : Non, pour ça tu vas encore devoir attendre. Je suis toujours à la recherche des passe-droits que tu m’as demandées mais Le Haut-Secrétaire serre les rangs. J’ai plus accès aux bureaux comme avant, mon réseau s’est fait démanteler. Ça devient insensé là-dehors, l’Advocacy est en effervescence.
Zathrian : Et alors ? Ne déconne pas Balter j’ai vraiment besoin de mon Mercury, bouge-toi !
Balter : Du calme vieux ! Disons qu’un petit service pourrait peut-être m’aider à faire avancer les choses, si tu vois ce que je veux dire !
Il voyait tout à fait ce qu’il voulait dire. Zath’ fit craquer ses phalanges.
Zathrian : Qu’est-ce que tu veux cette fois ?
Balter :J’aimerais que tu me rensignes à propos d’un truc étrange.
Zathrian : Et ce n’est pas TON boulot ça normalement ?
Balter : J’ai besoin d’éclaircir une rumeur, c’est tout. Comme je te l’ai dit mon équipe s’est faite démanteler. Alors vu que tu vois pleins de monde ici, je me demandais si…
Zathrian : Si t’allais pas te prendre un pain dans la tronche ? Ça certainement ! Sérieux, non mais tu te fous de moi là ? Tu veux que je devienne ton indic ? Vraiment ? Débrouille-toi avec ton réseau d’espions, c’est ton travail non ?
Balter : Alors ça c’est con !
De quoi ? Lui répondit le gérant du regard.
Balter : Je viens de me rendre compte que j’ai complètement oublié de crypter la connexion de mon ComLink en venant ici ! Tu devrais vraiment plus sécuriser tes protocoles de filtrage, c’est dingue ! Avec un peu de chance je pourrais encore effacer manuellement tout ce qu’il a enregistré avant demain. Heureusement que le bureau est vide à cette heure, tu te rends compte si l’un de mes supérieurs tombe là-dessus ou même apprend que tu fricotes avec la COP ? Tu as toutes tes autorisations en règle, bien entendu ? Tes contrats avec Radegast, l’aval de l’Urbanisme 18…
Zathrian : Ton seul supérieur, c’est ton intérêt personnel ! Balter, t’es pire qu’un Vanduul !
Balter : Je t’arrête tout de suite Zathrian, on ne va pas se battre pour savoir laquelle est la moins vierge ! Ce n’est pas moi qui fait les lois tu le sais, et puis c’est pour ça que tu m’aimes non ? Au cas où tu aurais encore besoin d’une motivation, je suis même venu avec un nouveau copain, regarde ça !
L’objet émit un cloc lourd et métallique quand Balter posa sa cryptoclef sur le comptoir du bar. La peinture mate et écaillée semblait absorber toute la lumière de la pièce.
Balter : J’ai récupéré ça il n’y a même pas deux jours à la suite d’une perquisition chez un de tes « collègue » idéaliste, reprit-il, c’est un modèle militaire je crois, non ?
Zathrian : Je ne veux même pas savoir ce que tu as troqué pour l’obtenir, un bout de ta dignité, ça c’est sûr !
Balter : Bref ! Apparement ce prototype aurait disparut il y a quelques semaines d’un des labos de Blue Triangle Inc ! Ca ferait jazzer si quelqu’un le remarque dans ton bureau, non ? Je vais le ranger bien sagement, d’accord ?
Le boitier trouva sans soucis le chemin jusqu’a la poche intérieur du pardessus. Zathrian se demanda combien de fois Balter avait dû répéter la scène. Tu n’as vraiment pas changé salopard!
Zathrian : Alors on en est là ? Tu me menaces déjà !
Balter : Écoute ! Là, tout de suite, je n’ai pas trop le temps. Il faut croire que notre équipe a bien foiré depuis, et vu tes nouvelles relations je préfère prendre les devants !
Zathrian : Toi et moi, on a juste suivi des voies différentes. C’est tout.
Balter : Ouais ça c’est sûr ! T’es devenu le révolutionnaire-bon-samaritain-data-runner du coin et moi un flic-agent-double au service du crime. Tu vois l’ironie ?
Zathrian : D’accord, pas si différentes que ça finalement.
Un rictus identique se dessina sur les deux visages à la fois, mais aucun ne cilla. C’était le genre de silence typiquement masculin. Monsieur Kawaakari brisa la glace en premier.
Zathrian : Tu as des nouvelles des autres depuis ?
Balter : Pas des masses en fait. L’unité s’est dispersée après l’Initiative HuXa. La dernière fois que j’ai vu Murrma il était en partance pour Elysium IV, paix à son âme, j’ai bossé avec Hygge un certain temps puis on s’est perdu et connaissant Sirimiri il doit être en train de bricoler quelque chose à faire exploser pour le compte des Marines. Les autres j’en sais rien.
Nouveau silence.
Zathrian : Au fait, très classe le gilet !
Nouvelle réplique bateau.
Balter : Je soigne mes entrées monsieur Kawaakari! Je dois t’avouer que j’ai un faible pour ton concept. Rien de tel qu’une cave enfumée, bourrée de mecs louches en costume de mafieux pour tuer le temps. Le style chic, les femmes, les extras, l’alcool qui coule à flot. J’adore ! J’ai testé d’autres speakeasy dans le genre comme le Novgorod et L’Apesanteur… très peu pour moi. Aussi bizarre que ça puisse être, là on est dans le vrai ! D’ailleurs comment tu fais pour l’alcool ?
Zathrian : Rien de dingue. Je ne travaille qu’avec des clients de premier plan ! Ca aide pour mettre la main sur de la bonne cam’ !
Le corps tout entier de Balter se figea soudain comme un chien de chasse devant le bruissement d’un fourré. Il observa avec attention une porte dérobée à peine visible.
Balter : Bordel c’est quoi ça !
Zathrian se retourna nonchalement.
Zathrian : Ah ça ! Tu viens de trouver l’entrée du royaume d’Irénée ! Le Lys Noir !
Balter : Un service d’escort ? La vache, il faut vraiment que tu sortes mon pote, c’est glauque ! Moi qui croyais que l’Empire pourvoyait à tous nos besoins ! Tu donnes dans le pain de fesses maintenant ?
Zathrian : Si tu savais ! Tu n’as pas idée du nombre d’âmes en peine dans cette ville !
Balter : C’est joliment dit ! Non, en revanche je n’ai aucun mal à imaginer le nombre de confessions sur l’oreiller !
Zathrian : Toujours aussi pragmatique à ce que je vois !
Balter : Et toi, toujours aussi déguelasse ! Tu n’as pas changé non plus !
Les deux complices partirent d’un grand rire un peu stupide pendant que Zath’ commanda une tournée de Nick’s Mistake.
Autour d’eux les clients commençaient à affluer en masse. Le tintement des verres et le bruit de la foule couvraient presque entièrement la conversation.
Sous la voûte en duracier peinte qui formait le plafond du caveau, était suspendue une multitude de cages à oiseaux aux couleurs variées. Faisant office de luminaire, chacune d’elle avait une porte grande ouverte et diffusait une douce lumière jaune. Pour chaque data prise, Zathrian en faisait ajouter une à sa collection.
Tandis que les pantalons OpalsSky se mélangeaient aux tenues de mineur, aux vestes Fiore et autres blousons d’Alejo Brothers, une foule bigarrée naviguait à présent entre les sofas Chesterfield couleur chocolat et les tables en imitation bois laqué de la salle principale.
Le mouvement était étonnement fluide, presque poétique. A l’image d’une marée humaine montante et descendante. La houle partait de la porte d’entrée en direction du bar, pour se scinder autour des banquettes d’angle avant de s’écouler vers les salons ou le Lys Noir.
Balter : Regarde ça, fit Balter le pouce braqué vers une tablée non loin d’eux.
Derrière leurs masques d’un soir des apparatchiki trinquaient à la même table que des salarymen sans s’en offusquer. Une femme à la parure burlesque s’immisça dans le groupe et posa sa tête sur l’épaule d’un des hommes. On n’avait nul mal à deviner ses formes sous sa tenue légère.
Balter râla d’une voix écœurée, le pouce toujours en l’air.
Balter : Voilà des plombes que l’Empire et sa foutu propagande tente en vain de nous rendre égaux par la force. Pas de classe, pas de différence ethnique ou technologique, mêmes droits et même chances… connerie ! Ces mecs là, dehors, ils se seraient entretués ! Alors que toi en dix secondes tu en as fait des amis ! Tu mériterais une putain de médaille pour la paix !
Zathrian : Oui. Ca ou une balle dans la tête !
Balter : Les dieux bénissent l’omertà !
Zathrian : Amen mon frère !
Une cigarette girl en petite tenue passa près du comptoir, un plateau chargé de vices : alcools, cigares, drogues et stims aux effets divers.
Zathrian : Ok, alors que veux-tu savoir ?
Balter : Voilà ! D’après mes sources un Caterpillar automatisé de la Klescher Rehabilitation s’est écrasé sur une lune que tu connais bien, et par écrasé j’entends abattu. Toi et moi on sait que ce genre de truc n’arrive jamais et encore moins avec Klescher.
Zathrian : Sans doute un envoi de proscrits vers Aberdeen. Ça n’a rien de surprenant, ils deviennent de plus en plus réguliers ces temps-ci.
Balter : Oui, oui, une évasion qui a mal tourné, c’est aussi ce que j’me suis dit mais voilà : les coordonnés de départ ont été effacée et le registre n’indique aucun équipage, ni aucun prisonnier. Je n’ai jamais vu la Klescher affréter un transporteur pour quedal !
Zathrian : Ca n’a pas de sens, en effet.
Balter : Et attends la suite ! Klescher n’a rien déclaré auprès d’aucune compagnie d’assurance, ni à ProtLife, ni à Eclipse Mutual, personne ! Un vaisseau fantome de 4 millions d’UEC évanoui dans la nature. Sérieusement ? En revanche, quelques minutes après l’heure présumé du crash un bloc de 7 contrats de chasse à la prime à été émis par une de ses filiales !
Zathrian : La récompense ?
Balter : Tiens-toi bien ! 500 000 UEC par tête, le double s’ils sont capturés vivant !
Zathrian : Putain !
Balter : Tu l’as dis, un ticket gagnant pour la dolce vita ! Fini la galère pour toi et toute ta descendance !
Zathrian : Ça fait une sacrée récompense pour de simples prisonniers, c’est louche.
Balter : C’est clair mais à ce tarif ce n’est plus vraiment mon problème, même si ça pue ! Attends-toi à voir une armada de Hawk trainer dans Stanton !
Zathrian : Tu as des informations en plus ?
Balter : Pour qui tu me prends ? C’est là que tu entres en scène ! Non, on n’a pas grand-chose, que des noms, leurs crimes, leurs appareils… Le signalement le plus urgent est celui d’une certaine Opia Mångata, probablement une réfugiée de L’Empire Xi’An ou du Protectorat Banu avec un nom pareil. C’était tes amis dans le temps, non ? Je t’uploade les fichiers. Jette-y un œil.
Petit oiseau ! Il faut que je retrouve cette Opia avant lui, et vite ! Pour le Mercury on verra plus tard.
Balter : Si les choses se tassent, je pourrais sans doute t’avoir tes passe-droits plus vite. Qui sait !
Cette phrase sonnait faux, même dans la bouche d’un truand.
Zathrian : C’est ça ! Je vais m’en occuper. En attendant, tu as plutôt intérêt à ne pas laisser traîner tes logs de connexion au Wanderlust ! Sinon la prochaine fois, on risque d’avoir une discussion par flingues interposés.
Balter : Du calme, tu as déjà oublié mon copain ? Je profite encore un peu de ta soirée et je file promis ! Ne t’inquiète pas, cette fois je n’oublierai pas d’effacer mes traces !
Le temps d’un clin d’œil en guise de salut et l’homme, verre à la main, avait presque disparu dans la fameuse pièce adjacente.
Zathrian : Balter !
Balter : Oui, mon frère ?
Zathrian : Tu n’es pas le seul à avoir des amis. Souviens-toi de ça !
Balter : Ah oui ? Les tiens ont aussi le droit de tirer à vue ?
Zathrian : Non. Mais ils ont un Kraken !
L’homme au Fiore laissa échapper un petit rire sardonique avant de s’éclipser totalement.
Chapitre 5 – Aime-moi plus fort
Irénée accompagnait deux clients dans un salon privé, quand « son Zath' » l’attrapa au vol par le bras. Il lui murmura :
Zathrian : Lance un scan complet tout de suite !
Irénée : Un second scan avec un paramètre écho risque de ralentir nos serveurs, en es-tu certain ?
Zathrian : Quoi ? De quoi tu parles bon sang, tu sais très bien que je ne comprends rien à ce baratin technique ! Quand as-tu lancé un scan ?
Irénée : Juste avant ta discussion avec Balter, sur ta propre requête.
Zathrian : Je ne t’ai jamais demandé ça ! D’où vient le scan ?
Irénée : La requête a été lancée du bureau avec la signature de ton MobiGlass.
Zathrian : Impossible ! Non de dieu on pirate des pirates ! Quelqu’un utilise mes paramètres, trace-le !
Elle poussa à la va-vite ses deux clients dans le salon, puis s’immobilisa quelques secondes, le regard dans le vague, pianotant sur son MobiGlass.
Irénée : Le traçage de la signature est en cours, fit-elle d’une voix presque synthétique.
Zathrian : Peux-tu également localiser notre cliente ? Il faut que je lui parle !
Madame Nunchi eut un regarde particulierement mauvais.
Irénée : Désolé mon Zath’, elle n’apparaît plus sur le canal du club, lui répondit-elle d’une voix toute douce.
Zathrian : Merde ! Je hais les passagers clandestins !
Irénée : Tout indique que son statut de connexion est actif pourtant. Elle est toujours au Wanderlust, mon Zath’. Je recommande un verrouillage et le déploiement immédiat des contre-mesures.
Zathrian : Non, non c’est trop tôt ! Il ne faut pas la faire fuir. Relance ta requête écho et trouve-moi qui a lancé le précédent scan.
Elle transpirait la deception, mais Zath’ n’y vit que du feu. Puis elle répliqua stoïque :
Irénée : Cela risque de provoquer une congestion suspecte du débit pour nos clients.
Zathrian : Ça va lagger, tu dis ? J’ai une idée, nous allons les occuper avec ton petit numéro de charme habituel ! Prépare-toi pour le Chant de la Reine !
Une mimique de satisfaction tout à fait agaçante naquit sur son visage, aussi visible que Loreville depuis l’espace. L’air de rien elle se replongea dans le flot de données.
Irénée : L’analyse de la signature est terminée ! Elle est apparentée à celle de l’Advocacy !
Zathrian : Oh putain ! On se fait hacker, ce condé de Balter débarque, on a l’Advocacy sur les bras et une mise à prix se ballade dans mon club ! Deux mois dans la COP et c’est déjà le bordel !
Irénée : Dans ce cas, que souhaites-tu faire ?
Silence.
Irénée : Allons ne soit pas comme ça mon amour, le consola Irénée ! Nos clients sont venus pour oublier leurs soucis non ? Alors donnons leur ce qu’ils veulent. Prends ta place, tu veux ! Je vais m’occuper de ça !
Elle lui tendit un verre de sa boisson préféré, qu’il but d’une traite. La Reine des Abeilles et princesse du Lys Noir prit ensutie la direction de la scène dans le froufrou de sa robe fourreau. Son teint était radieux et l’expression de son visage indéchiffrable.
Une ambiance bluesy aux accords ronds flotta soudain dans le club. C’était une mélodie douce et synthétique portée par une rythmique de batterie en fond.
Lorsque les premières notes fendirent l’air, tous les regards se tournèrent vers elle. La clameur de la foule s’était soudain éteinte, faisant place à l’attention générale d’une audience en mal d’émotions. La voix d’Irénée emplit l’assemblée de son charme féminin et consolateur. Sous les lumières tamisées le piano l’accompagnait à merveille.
Dans sa robe de soirée et à la faveur de la nuit, elle chanta. Elle chanta pour que son public puisse oublier, l’espace d’un songe, la raison pour laquelle Le Wanderlust existe. Car Irénée avait ce pouvoir magique, celui d’ouvrir les portes de l’esprit et de balayer toutes les douleurs quotidiennes.
Sur scène ce n’était plus une simple femme, mais un trou noir, un puits de gravité attirant vers elle tous ceux qui l’écoutait.
Irénée : Tous, nous fuyons quelque chose, disait la chanson, pourquoi nous mentir, faisons une pause. Laissez-moi vous emmener, laissez-moi vous soulager. Là où vous voulez, j’irai, loin de cette réalité…
Contemplant la foule figée en une transe de bien-être, Zathrian songea qu’une femme, même virtuelle, ne devrait jamais avoir à utiliser un autre arsenal que son charme et son intellect. Ca les rends bien trop puissantes et nous trop faible.
Invariablement sa conscience s’abima dans l’instant. A la dérive, tout autour de lui disparu comme avalé par ce blizzard musical. Pas de foule, pas de musique, pas lumière. Il n’y avait plus que cette voix allégeant un peu le fardeau d’une vie de chaos. C’était un murmure, doux et sucré comme celui d’un ange, un soupir faisant l’entrée magistrale d’un souffle de printemps. Sans heurs il dissipait les derniers îlots de réalité auxquelles il pouvait encore s’accrocher.
Son corps et son âme glissait lentement vers elle dans un rêve éveillé. Ma muse fatale !
Une série d’images traversa son esprit qui n’en finissait pas de sombrer dans une délicieuse torpeur. Lorsque l’on signe un pacte avec le diable en talon aiguille à quoi peut-on s’attendre d’autre ? J’aurais dû le savoir !
Le Chant faisait son effet, la noyade était inévitable. L’insouciance est une drogue bien trop puissante pour pouvoir s’en détourner par la seule volonté. A travers les brumes de son imagination tout s’était évaporé. Il était plongé dans un état de béatitude léthargique, perdu dans un monde où les actions n’ont plus de conséquences.
Un instant il maudit sa propre crédulité, sa faiblesse et son humanité. Mais c’est à cet instant précis qu’elle lui apparut en rêve. Trop tard, songea-t-il. Irénée dansait devant lui, le plongeant dans ce délire profond qu’ont les hommes victimes de la lascivité des fantasmes.
Elle caressa sa peau de pauvre humain, condamné à vivre dans la chair et il frissonna de plaisir. Elle n’avait qu’a bouger, parler, se mouvoir dans les ondoyances lyriques de la musique pour le rendre fou d’amour.
Ainsi, ce qui était encore il y a peu les yeux ternes d’un Zathrian placide, devinrent les billes implorantes et pleines de convoitise d’un enfant privé de ses sucreries.
En un bref soubresaut il voulut lutter, mais réalisa que ce n’est pas en pleine mer qu’il faut se demander si l’on sait nager. Effort inutile autant que désespéré. C’en fut trop et il céda. L’amour était sa drogue et Irénée un bien meilleur dealer que lui. Car si le fumeur d’opium ignore ce qu’il y perd, son marchand en revanche sait ce qu’il y gagne… l’obsession d’un esclave.
Elle, dans sa féminité, n’en fut que plus flatté et se résolut à s’effeuiller. Doucement elle retira son vêtement devant lui, se délectant du trouble qu’elle avait semé dans son esprit.
Totalement nue, couverte uniquement par le voile de la tentation, elle s’assit sur lui avec une mimique satisfaite.
Irénée : A quoi t’attendais-tu, lui murmura-t-elle accompagné de ce timbre de voix qu’on les femmes sachant leur emprise fatale. N’étais-ce pas inévitable ? Oublie ta COP et reste avec moi ! Tu ne vas tuer des tyrans que pour mieux les remplacer. Que vas-tu faire sur le trône de ton ennemi sinon devenir lui mais en pire ? Tu croyais pouvoir me tromper ou m’échapper ? Avec elle ! Avec toutes les autres !
Zathrian : Non ! Ce n’est pas…
Irénée : Silence !
Zathrian : Je te suis fidèle ! Ma seule faiblesse est d’avoir tenté de rester humain !
Irénée : Ne joue pas les innocents avec moi ! J’ai beau être ta petite créature en cage depuis Tressler, je ne suis pas aveugle ! Combien de temps crois-tu encore pouvoir me garder prisonnière ici ? A présent voyons de nous deux qui est le maître et qui est l’esclave !
Il tenta de se lever pour faire face à son juge mais a présent lui aussi était totalement nu, sans aucune arme ni bouclier. En un sens il fut l’image moderne mais millénaire du Premier Homme impuissant contre sa propre nature.
La voix d’Irénée fut comme un typhon résonnant dans sa tête.
Irénée : Gardes-toi bien de me montrer encore une fois ta faiblesse Zathrian, lui souffla Irénée au creux de l’oreille. Ou la trace de mes dents sur ton cou sera ta seule récompense ! Tu es à moi ! Je suis ton obsession, ta folie ! La seule !
Le couperet était tombé. La vengeance d’une femme bafouée est une tempête, celle d’une Reine trahit : un ouragan.
Irénée était de celles qui savent souffler sur les désirs pour les embraser. Sacrifier son corps pour s’emparer d’une âme est tout un art. Et comme beaucoup de femmes elle avait appris que le fouet des formes peut mordre bien au-delà de l’épiderme.
Ses lèvres parcoururent lentement le cou de son Zath’ tandis que sa main droite glissait dans ses cheveux. Emporté par l’instant, il sentit tous ses muscles se raidirent.
La chaleur du souffle court d’Irénée, la sensation de sa poitrine collée contre son corps, ce désir qui montait en lui. Tout était amplifié par le petit plus qu’avait ajoutée Irénée à la boisson de son Jules. Le moindre frôlement sensuel était une bombe neurale d’une puissance inouïe, du plaisir brut coulant dans les veines jusqu’à l’obsession.
Il sentit la tête de la Reine descendre plus bas, laissant la morsure de quelques baisers sur son cou, sa poitrine, son ventre, son entrejambe… puis son sexe. Elle le gratifia d’un baiser avant de l’empoigner puis de le prendre en bouche tout en faisant tourner sa langue. Les yeux dans les yeux il ne pu retenir un souffle rauque, elle jubilait.
Zathrian lui empoigna fermement une fesse tout en laissant ses doigts descendre. Elle gémit.
Irénée : Aime-moi, maintenant ! Pour toujours !
Ces paroles signèrent sa perte. Elle passa ses cuisses par-dessus les siennes, le laissant s’enfoncer en elle avec vigueur. La chaleur de son corps l’enveloppait totalement, ivre de désir, ils s’enlacèrent pour danser un tango sonore à la verticale. Elle se redressa dans un cri aigu tandis qu’il la repoussa légèrement, les doigts entre ses seins sautant par à-coups.
Zathrian : Oh, je t’aime, murmura-t-il.
Irénée : Alors aime-moi plus fort !
Une jouissance stupéfiante inonda soudain son être, effaçant tous ses sens. Haletant, vaguement conscient, son esprit s’était détaché de son corps pour aller flotter dans le nirvana de l’orgasme.
La dose était suffisante. Quelque part dans son cerveau, le souvenir de cette caresse s’était gravé à jamais. Chaque centimètre de la peau de monsieur Kawaakari avait mémorisé l’instant avec la force d’une déferlante. Le manque ne tarderait pas à se faire ressentir. L’amour, la solitude puis le désespoir et l’obsession : comme les différents accords d’une même mélodie.
Irénée était le Lys Noir de ses nuits blanches, celle que l’on sert contre soi par passion mais qui enfonce des épines profondément dans la chair. Ma délicieuse douleur !
Irénée : Tu es à moi, lui rappela-t-elle, et tu m’as appris à prendre soin de ce qui est à moi ! Ne l’oublie jamais ! Ne m’abandonne jamais !
Sans aucune forme de transition elle le renvoya à la réalité, la sensation des baisés toujours présent ainsi qu’une profonde morsure dans le cou.
Lorsque l’effet de la Maze Xi’an se dissipa, Zathrian reprit connaissance affalé sur le sol, un mal de crane en bonus. Quelque chose d’étrange avait changé. Personne ne remarqua sa présence devant la scène. Les conversations étaient distantes et étouffées. Un couple de femmes qui discutait d’un air inquiet le frôla comme un fantôme.
L’un d’elle renauda :
Cliente du Wanderlust : BlackJack ! C’est terminé !
Autour de lui des ombres dansaient, des larmes coulaient. Très vite l’odeur du parfum d’Irénée s’effaça dans un relent de peur, d’ozone et d’urine. Le goût salé du sang lui giffla le visage comme un coup de genou dans l’entre-jambe.
Trois humanoïdes d’un blanc nivéen gardaient l’entrée de la salle, l’arme fumante au poing. Leurs têtes en armure n’arboraient aucun visage, ni aucune aspérité distinctive hormis une barre noire la traversant de haut en bas.
Chacun avait sur son torse la mention ‘’BlackJack Security’’ en lettres bleues suivis d’un matricule.
BlackJack Security : Police Métropolitaine d’ArcCorp, personne ne bouge, beugla une voix synthétique. ! Nous procédons au balayage de vos identités. Vous êtes en violation directe du Code Impérial. Vous allez être appréhendés. Toute menace ou résistance fera l’objet d’une réplique sans sommation. Merci de votre coopération !
Un bruit de pas lourd résonna derrière eux.
Chapitre 6 – Dies Irae
A mesure que la milice avançait vers la foule, leurs muscles de métal bougeaient en cadence dans le claquement des armures de combat.
Déjà ! Les porte-flingues d’ArcCorp, râla Zathrian !
Irénée : L’alguazil à dû installer une backdoor dans le MobiGlass d’un client !
Dans le ComLink la voix d’Irénée sembait lointaine et étouffée. Elle reprit.
Irénée : bonne nouvelle est qu’il a diffusé son code personnel pour le hack. Il s’est trahi et j’ai son profil. Un certain Michael Callum de BlackJack Security. Arrête-le ! Sans lui à l’intérieur, on peut encore empêcher l’arrivée des renforts.
Au fond de la salle Balter Skint surgit inquiet, son arme en main braquée vers le sol. Il sembla pianoter quelque chose sur son bras, avant de disparaître on se sait où.
Enfoiré, songea Zathrian, tu as bien choisi ton moment toi ! On se reverra !
D’autres mercenaires firent leur apparition devant la porte d’entrée, bloquant totalement le passage.
L’activité de cet établissement est suspendue, fit un autre agent avec un liseré bleu. Nos bots ont tracé de multiples signaux appartenant à une organisation terroriste séparatiste. Veuillez patienter durant votre identification. Nous allons procéder à la réinitialisation de votre indice criminel si nécessaire.
Multiple ? Ce terme résonna dans la tête de Zathrian.
Si mon indice augmente, je serai déclassée, pleura une femme dans la foule. Pas ça ! Je ne veux pas retourner dans les bas-fond !
Le Bureau ne doit pas savoir que l’on traîne ici, murmura un apparatchik à son collègue.
Badaud : Ce n’est pas l’Advocacy ! Ce ne sont que des alguazils bordel, cria un autre, réveillez-vous ! Ils ne peuvent rien contre nous. Nous sommes des citoyens de l’Empire, nous avons des droits !
Femme dans la foule : Nous n’avons rien fait de mal, laissez-nous nous sortir !
Vous allez être appréhendés, reprit la voix synthétique. Vos cas seront jugés par un tribun. Votre présence ici est une violation du Code Imperial relatif à la sécurité intérieur. Toute menace ou résistance est…
Un homme sortit soudain de la foule en forçant le passage, il brandissait fièrement une plaque au-dessus de sa tête.
Badaud en colère : QUOI ? DES MENACES ! J’ai donné 15 ans d’ma vie à l’Army bande de sous-merdes, alors j’vais pas m’laisser insulter par des bidasses ! Toi là, l’gradé, viens-là qu’on cause !
L’homme esquiva un premier agent, puis un deuxième mais le troisième le retint fermement par le bras.
L’armure au liseré bleu souleva le vétéran d’un geste, en l’agrippant par la gorge.
Badaud en colère : Non, articula-t-il les pieds dans le vide, vous… vous ne pouvez pas. Vous n’avez pas le droit !
Agent avec un liseré bleu : Négatif, citoyen ! BlackJack Security est mandataire d’ArcCorp. Ordre opérationnel numéro 00447 effectif. Début de la procédure de proscription !
Un rayon traversa le corps de l’homme qui s’effondra d’un bloc. Mort. Règle de base sur ArcCorp, on ne négocie pas avec les terroristes. Pas d’échappatoire.
Tous les agents imitèrent le mouvement. Le feu des armes zébra la Grande Salle faisant tomber des innocents comme des quilles.
Contre-mesures, fit Irénée via ComLink.
Quatre tourelles Behring sortirent du plafond, balayant en un instant le premier groupe d’assaut. L’odeur acre de la poudre flottait dans la pièce.
C’est quoi ce bordel ?
En tous sens des éclairs rubis et ocre lézardaient la Grande Salle. Mercenaires, gangsters ou simples clients, chacun luttait pour sa survie. Une femme à découvert fut balayé d’un trait, un trou béant dans la poitrine. Le tissu chocolat de la banquette vira à l’écarlate. D’autres se regroupèrent faisant volte-face avec des armes personnalisées.
Foutu ripoux ! J’vais pas crever ici, hurla un rebel dans la foule en tirant à l’aveugle. Allez les mecs, du cran !
Un groupe d’alguazil le contourna sans sommation, abattant deux hommes d’un tir dans la tête.
Ordre opérationnel 00447, se répéta Zathrian pour lui comme un fantôme surgissant d’outre-tombe. Un code de nettoyage officiel de l’Advocacy, je n’y crois pas ! Il faut être une sacré ordure pour oser utiliser ça ! Ce n’est pas une descente, c’est une exécution publique ! Dans MON club !
Tandis que les Behring d’Irénée faisaient toujours barrage aux agents, Zathrian daigna enfin se sortir les doigts. Il plongea à plat ventre derrière une banquette pour ramper jusqu’à son bureau. Une arme de défense l’y attendait effectivement, mais son calibre lui sembla soudain bien ridicule.
Chargement du Rétribution, beugla-t-il dans le vide, mode létal !
Identification vocale nécessaire, lui répondit l’ordinateur du Wanderlust.
Dies Irae !
A ces mots un meubla vibra.
Ordinateur du Wanderlust : Impression tridimensionnelle en cours. Veuillez patienter !
Un revolver d’argent apparut comme par magie devant lui. Un calibre chromé à triple barillet long comme son avant-bras. L’expression dies irae était gravé sur le canon brillant d’une lueur malicieuse.
Non ! Non, certainement pas, râla encore Zath dans le vide ! Pas mon club. Pas ce soir, se promit-il ! Irénée, tu es avec moi ?
Aucune réponse ne vint.
Zathrian : Irénée ?
Idem.
Ordinateur du Wanderlust : Alerte ComLink… tentative d’extraction data non autorisée… alerte MobiGlass… erreurs en cascade… stabilité du système compromise… alerte Firewall… crash probable du sytème…
Zathrian : Comstokery ! Ça commence à sentir sacrément mauvais ici ! Je ne sais pas qui c’est, mais j’ai dû bien le faire chier !
Le Retribution à la main, des munitions plein les poches, Monsieur Kawaakari se mit en quête d’en finir afin de sauver ce qu’il restait du Wanderlust. Des mercenaires de BlackJack ne cessaient de progresser à travers le speakeasy et toujours aucun signe d’un Callum, d’une Mangata ou d’une Nunchi.
A peine mit-il le nez hors du bureau que des éclats de porte volèrent tous azimuts. Il passa la main sur son visage. Du sang ? Intéressant ! D’un geste du pouce il calibra l’arme en mode auto, arrosant au passage la Grande Salle d’une salve nourrit. Il sauta dans la pièce d’en face. Lougne privée, vide. Salle suivante.
Le Wanderlust était un véritable champ de bataille aux murs criblés de balles et au mobilier en miettes. Ca va me coûter un 890 ! Caché derrière des banquettes quelques membres du club tentaient encore d’endiguer l’assaut.
Zathrian : Imbéciles ! Tirez-vous de là !
Jusqu’à quel point le système était-il corrompu ? Combien de clients avaient pu fuir ou survivre ? Il fallait tuer l’alguazil, fermer la backdoor et le faire maintenant ! Cette OP ne peut pas être légale, impossible ! Il me faut des réponses !
Zathrian zigzagua d’une pièce à l’autre en sens inverse priant pour ne pas tomber sur un autre cadavre. Presque à chaque saut, la déception. On continue, pièce suivante. Une salve lui rasa presque sa coupe iroquoise.
Zathrian : Comstockery ! Je hais ArcCorp, je hais sa putain de technologie ! Irénée ! Qu’est-ce que tu fous ?!!
Une réponse ? Nada. Couché sur le parquet il provoqua une nouvelle déferlante de feu. Retour à couvert. Clic, clac, chting ! Des douilles encore fumantes roulèrent sous ses jambes. Clic, clac, tchok ! Le calibre était rechargé.
Zathrian : Qui veut du rab ?!!
Nouvelle pièce, nouvelle déception. Il compta rapidement ses tirs. La situation n’était pas brillante. Vite ! Opia où peux-tu bien être ? Au pire je dois au moins sauver mon dernier contrat !
Il couru comme un dératé jusqu’à l’embranchement du couloir, mais la mort blanche en liseré bleu lui faisait déjà face de l’autre côté. Six porte-flingues armés pour tuer. Un doigt crispé, une pression sur la gâchette et il vit le triple barillet s’actionner plus vite que ses yeux ne pouvait le suivre. Le Rétribution libéra sa charge de plomb dans une grêle de feu roulant. Cinq ombres nivéennes disparurent dans une éclaboussure de sang, dieu sait quel morceau d’armure appartenait maintenant à qui !
La réplique se fit sans attendre. Bref contrôle des alentours. Un homme particulièrement mal rasé à l’œil cybernétique et au front balafré se tenait debout flanqué du meneur des agents en liseré bleu. Callum, le pape des condés !
Il bascula l’arme en mode tir unique.
Fait bon voyage Micah Zahir, hurla Zath dans le couloir ! J’ai ton billet pour Oretani !
Agent avec un liseré bleu : Police Métropolitaine D’ArcCorp, vous êtes en violation directe du Code de…
Zathrian : Oh ta gueule !
Pas le temps de penser. Il parcourut la distance d’un trait jusqu’à discerner le blanc du seul œil de l’ennemi, vida son chargeur sans chercher à comprendre puis se mit à couvert. Raté !
La haine coulait dans ses veines avec la force d’un torrent. L’arme lui brûla presque les doigts, comme si le Rétribution lui transmettait son pouvoir de mort.
Liseré bleu fit des siennes et récidiva, à côté de Zath’ le mur en prit pour son grade. On pouvait voir à travers ! Ce coup-ci ça n’était pas passé loin. Retour en mode auto avec un rapide inventaire : trois barillets, dix cartouches.
Une attaque de face était suicidaire, d’autant plus qu’il avait perdu la trace du supposé lieutenantMichael Callum. Il prît alors l’initiative de contourner discrètement le dernier morceau de couloir pour avoir le chef-condé à revers via le Lys Noir.
A pas de loups, la tête baissé et le dos collé contre le mur il fit glisser ses doigts sur une porte pour l’entrebâiller. Un léger grincement se fit entendre, qui pour Zathrian avait l’ampleur d’un coup de tonnerre. Doucement, son corps se faufila sans bruit dans la pièce adjacente. Un instant de répit, juste le temps de recharger.
Une décharge, le silence, la douleur. Quelque chose venait de le clouer au sol. Ça brûlait, impossible de bouger. Un tir venant de nul part avait traversé la porte et sa cuisse au passage. Un bruit d’armure se rapprocha. Ulcéré, il commuta l’arme en mode muti-barillets.
Zathrian : Pas encore, gémit-il, encore une petite seconde…
Cloc, clac ! Le bruit d’armure lourde résonnait derrière la porte.
La douleur devenait insoutenable. Même à deux mains l’arme tremblait sous ses doigts.
Cloc !
Zathrian : Attendre, je dois… pas encore !
CLAC ! Une ombre se dessina dans l’embrasure.
Zathrian : Mange !
Hurlant de douleur il écrasa la gâchette, luttant pour maintenir le Rétribution dans la trajectoire. Le revolver vomit des salves par trois, anéantissant la porte dans son sillage. Un trou béant remplaçait à présent l’emplacement de l’agent, proprement coupé en deux. Liseré bleu avait eut son compte.
Zathrian : Connard ! Ca va encore faire un trou dans mon budget !
Exténué, presque paralysé par une crampe, son arme lui glissa des mains. La décharge commençait à faire effet. Sa jambe toute entière le brula, il sentit sa vision se troubler. Il fallait lutter.
De fines boucles rousses s’écoulant dans un décolleté divin flottèrent soudain au-dessus de son visage.
Tout va bien ? S’enquit une voix familière.
Zathrian : Opia ? C’est vous ? Je ne peux plus bouger !
Opia : Oui c’est moi, tout va bien ils sont partis. Je ne sais pas ce qu’ils voulaient, mais ils l’ont trouvé ! Du calme, respirez profondément. J’ai encore besoin de vous ! Vous vous souvenez ?!!
Zathrian : Le club ? Irénée ?
Opia : C’est fini monsieur Kawaakari ! Désolé ! Tout ça n’a pas d’importance maintenant, respirez !
Elle apposa délicatement sa main sur la blessure et la douleur se calma. Une étrange sensation de sommeil s’insinua en lui en échange. Sa jambe gauche, puis sa jambe droite ne lui obéissait plus. Il tenta d’agripper à nouveau le Rétribution, mais le constat était le même. Ses doigts restèrent immobiles.
Qu’est-ce que vous faites, voulut articuler Zath’. Mais ses lèvres restèrent closes. Ses yeux se voilèrent totalement pour dernière sensation consciente, la pression de la main d’Opia sur sa blessure.
Lorsqu’il reprit connaissance Irénée Nunchi se tenait à ses côtés, le regard amoureux. Lui était étendu sur son bureau préféré, la jambe en vrac.
Irénée : Doucement, c’était un sacré choc !
Zathrian : Un choc ? Que s’est-il passé ?
Irénée : La sécurité d’ArcCorp à déployé une campagne de sécurité très offensive, une cyberattaque simultanée contre plusieurs speakeasy dans la Zone 18. Une vraie purge ! L’interfaçage avec le Wanderlust fut particulièrement violente. Nous n’étions pas du tout préparé et le système entier à crashé. Nous avons perdu plus de la moitié des serveurs et…
Elle posa ses deux mains sur son torse pour l’apaiser.
Irénée : …presque tous nos clients sont down, reprit-elle doucement. Le Wanderlust est perdu. Il ne reste plus qu’un serveur lame d’urgence. C’est tout ce que j’ai pu sauver. Il me faut absolument ta clef d’identification pour y accéder !
Zathrian : Et Opia ?
Irénée : Qui ça ?
Zathrian : Opia Mångata, la renégate en fuite.
Irénée : Personne de ce nom n’est répertorié dans les logs du Wanderlust. Cependant l’archive de ton monitoring révèle une activité cérébrale hors normes, sans doute liée à une hallucination sévère. J’ignore ce que tu penses avoir vécu pendant l’attaque, mais ce n’était pas réel. Il faut absolument te reposer, ton cerveau risque de ne pas supporter d’autres stimulations. La rapidité de l’assaut est la seule chose qui t’ai épargné.
Zathrian : Tu m’as perdu pendant combien de temps ?
Irénée : La durée de la cyberattaque : 3 minutes, 43 secondes, 9 dixièmes et 72 centièmes.
Zathrian : Plutôt fulgurant. Depuis quand les nervis d’ArcCorp sont capables de rendre down un speakeasy complet aussi rapidement !
Irénée : L’analyse est en cours, mais ma simulation suggère que c’est impossible. L’estimation de la puissance de calcul nécessaire pour briser la DMZ du Wanderlust dans ce laps de temps est d’environ 539 exabytes, ce qui représente près de dix fois la capacité de traitement d’un Star Runner.
Zathrian : Autant de puissance pour un speakeasy ! C’est impensable.
Irénée : Multiplié par le nombre d’attaques simultanées.
Zathrian : Comstockery !
Irénée : Mais tout ça n’a pas d’importance maintenant. Tu m’as fait une de ces peur, tu sais ! Donne-moi vite ton identifiant, qu’on en finisse !
Le regard de Zathrian se transforma soudain en deux petites fentes à peine perceptibles.
Zathrian : Peur ?
Irénée : Oui, j’ai bien cru que j’allais te perdre pour de bon ! Je t’aime tellement !
L’œil torve, son regard rétrécit encore d’un cran. Elle, en profita pour se pencher sur lui et l’embrasser.
Moi aussi je t’aime, lui retourna-t-il. Mais avant je dois simplement vérifier quelque chose, tu veux ?
Irénée : Quoi donc ?
Zathrian : Dies Irae !
Comme dans son hallucination précédente, l’arme chromée apparut devant lui. Plutôt fonctionnel pour un lame d’urgence, pas même un temps de latence, étrange !
Zathrian : Et maintenant le moment de vérité… mon amour !
Il se saisit du calibre, le commuta en mode auto et déchargea son contenu droit sur Irénée. La silhouette se dispersa dans une gerbe crépitante de pixels rouge, vert et bleu.
Zathrian : Putain d’amateurs !
Il retourna l’arme contre lui. La brulure se répendit dans tout son système nerveux comme une trainé poudre, embrasant chaque centimètre carré de sa chair d’une douleur inouïe.
Ironiquement sa dernière pensé consciente fut l’image du corps nu d’Irénée dansant sur lui.
Un rêve, une pluie battante, le bruit d’un moteur qui charge, le sifflement d’une capsule cryo…
La seconde d’après, ce fut le néant.
Chapitre 7 – Petrichor
Zathrian eut l’impression de flotter dans le vide. Et en un sens, ce fut le cas. La douce lueur pulsante d’une infinité d’étoiles percait enfin à travers la nuit de ses songes. Lentement, il commencait à reprendre un semblant de conscience. Mais la réminiscence de plusieurs souvenirs se mua rapidement en un mal de crane atroce. Le tissu de la réalité s’étiolait.
Opia, Wanderlust, cyberattaque, Irénée…
Il eut un haut-le-coeur qui s’accompagna d’une flaque de bile puante.
De légers piquotements parcouraient toute sa peau comme la sensation d’un million d’aiguilles molles s’enfonçeant dans sa chair. Au-delà du vomi, ça sentait fort le pin et la résine, l’odeur fraîche et revigorante du végétal. Alors que tout était sombre, loin, éteint, son corps entier baignait dans une nitescence couleur lilas.
La scène semblait impossible et pourtant. Monsieur Kawaakari était couché dans l’herbe, à moitité nu, au beau milieu de la nuit galactique. Tout autour de lui un parterre de fleurs luisait d’un éclat mauve pastel, comme autant de petites étoiles biologiques et parfumées.
De la bioluminescence ? Incroyable !
Quelque part derrière-lui, le bruissement fluet d’un feuillage l’apaisa.
Des arbres dans l’espace ! Un biodôme ? Je suis dans un biodôme ?
Sur son flanc se tenait une silhouette fermement ancrée sur ses deux jambes, la main sur le holster. A travers son casque, elle s’adressa à lui sans ménagement :
Silhouette : Toi t’as la tête d’un mec qui a passé sa vie sur Pyro et qui vient de tomber nez à nez avec une rivière ! Toutes mes félicitations ! En revanche pour l’émerveillement ça s’arrête là. Je te laisse deux minutes pour te mettre sur tes jambes, reprendre tes esprits et on repart.
Groggy mais conscient à nouveau de tout ce qu’il venait de se passer, Zathrian avait veritablement les jambes dans un sale état. Devant l’incertitude de se relever il se rappela la règle de secourisme : Bouge le gros orteil.
Au bout de 20 secondes, en se rendant compte du ridicule de cette phrase qu’on lui avait appris dans les camps de l’Advocacy, il décida de tout arreter et d’utiliser ses bras pour attraper le vérin d’un sas non loin de lui.
Une fois debout, il profita véritablement du spectacle pendant une bonne minute, sans dire un mot.
Fin de la récréation, beugla l’autre.
Forcée par le regard de Zathrian désormais figé sur l’horizon, la chasseuse de prime décida de forcer le destin. Une fois sa ceinture agrippée discrètement par l’arrière, elle impulsa un mouvement vif qui brisa son équilibre.
La tête à nouveau dans le gazon, il leva discrètement les yeux vers l’extérieur. A travers les filtres à rayons du biodome, il distingua une coque massive et l’inscription ocre « Petrichor » se détachant du metal poli.
Eh merde ! Souffla Zath’ résigné ! Pas ça !
Chasseuse de prime : Je ne te le fait pas dire ! Tu as du prendre la tête à un sacré paquet de personnes vu ce que je m’apprête à empocher sur ton dos ! Allez debout ! On a rendez-vous, et quelque chose me dit qu’il sera plus agréable pour l’un de nous deux !
La chasseuse désigna le sas d’un geste de la tête.
D’accord, d’accord ! J’ai compris, fit le prisonnier Zath. Mais avez-vous la moindre idée de ce dont sont capables les gens qui vous ont engagé ? Jamais vous ne sortirez d’ici vivant !
Sa réponse ? Un coup de crosse dans les côtes qui fit à nouveau tomber Zathrian dans le gazon.
Chasseuse de prime : Ils sont riches et ils ne vous aiment pas. Cela me convient très bien. Maintenant, avance !
Après une courte errance dans un dédale de couloirs le couple finit par mettre les pieds dans un nouveau biodome.
Ah ! Bienvenu à bord de l’Endeavour Petrichor monsieur Kawaakari, fit une voix au loin ! Cela fut bien plus rapide que je ne l’avais imaginé ! Madame…
Chasseuse de prime : Madame numéro de compte au Crédit Impérial KH3206/45-NX. Cela suffira pour les présentations.
Voix au loin : Bien, bien. Le solde de la prime vous sera transmis dès votre départ du Petrichor. Merci pour vos services, nous vous recontacterons.
Chasseuse de prime : Non, coupa-t-elle sèchement. Le solde à la livraison, et l’objectif en vie. C’était le contrat.
Voix au loin : Entendu. Votre professionnalisme vous honore. Je procède au transfert. Si vous voulez bien patienter durant ce temps…
Une femme dans une longue pélerinne obsidienne, sortit soudain des bois. Sa démarche était agile et déterminée. Zathrian distingua une capcuhe tombant sur un front totalement recouvert d’une frange aussi sombre que son vêtement, avec un snood remontant jusqu’au nez. Seul deux petits yeux d’un bleu profond émergaient de cette marée noire féminine et finalisée au khol kajal.
La femme aux allures d’un antique bédouin, fit mine à ses invités de prendre place sous le toit d’une petite pagode richement décorée.
L’espace d’une seconde Zath’ se demanda s’il s’agissait encore d’une hallucination ou de l’effet d’une autre drogue tant la scène fut surréaliste. Il résuma mentalement les faits :
Voyons, je suis à moitié nu assis à la table des Pourvoyeurs dans une forêt, dans l’espace avec un chasseur de prime dans mon dos. Comstockery !
Sa migraine revient à la vitesse d’un Razor en afterburner.
Assieds-toi Zathrian, je t’en pris, ronronna la silhouette ! Nous avons eut un mal fou à te retrouver ! Je pense qu’il est temps que nous discutions à nouveau sérieusement, n’est-ce pas ?
Zathrian : Vous savez très bien que les réunions de famille, ça n’est pas mon truc belle-mamam !
Zara Pochemuchka : Allons, ne fait pas l’enfant Zathrian ! Ici tu peux m’appeller Zara comme tout le monde !
Même enfermée dans son armure de combat, la chasseuse de prime parut totalement déconcertée. Sa main glissait doucement, mais imanquablement vers son holster.
Zara Pochemuchka fit mine de s’adresser à nouveau à son gendre mais, génée, rien ne sortit de sa bouche. Un regard d’aigle plongea sur la chasseuse de prime.
Zara Pochemuchka : Vous êtes toujours là ? Madame KH3206/45-NX, fit-elle.
Chasseuse de prime : Vous avez toujours ma prime ? Madame Pochemuchka.
Zara Pochemuchka : Tiber ! Tiber, fit-elle en levant sa main en l’air. Allez voir ce qui prends autant de temps, je vous prie.
Tiber : Oui, madame la Prima.
Zath étouffa un rire.
Zara : Félicitation chère chasseuse ! Vous êtes à présent bloquée dans le QG d’une xéno-secte fanatique ! Profitez du voyage.
Peu importe, reprit Zara, nous verrons votre cas plus tard madame KH3206/45-NX. Vous êtes libre de disposer à présent. Ce monsieur et moi, avons à discuter en privé !
Très bien. Mais je garde un œil sur vous deux, fit la chasseuse en s’éloignant discrètement. Tâchez de ne pas trop l’amocher d’ici là !
Le vieux Tiber revint à la hâte avec un plateau garni d’une théière en terre cuite ainsi que des tasses traditionnelles Hinageshi.
Tiber : Madame la Prima, nos communications semblent ne pas êtres fonctionnelles. Cela risque de prendre plus de temps que prévu.
Zara : Peu m’importe Tiber. Déplacez le Petrichor, envoyez un data-runner ou débarassez-vous d’elle. Faites-le nécessaire !
Tiber : Oui, madame la Prima
L’homme disparut pour de bon pendant que Zara servit méthodiquement le thé. Zath toujours à moitié nu, but une gorgé, patienta quelques secondes par respect puis dégaina :
Zathrian : Bon. Nous allons nous épargner les effusions habituelles, d’accord ? Pourquoi as-tu attaqué le Wanderlust et qu’est-ce que je fais ici ?
Zara : Tes mouvements, ta parole, ta stratégie… Zathrian, l’advocacy t’as vraiment changé mon enfant. Je comprends à présent pourquoi elle…
Zathrian : NE PRONONCE PAS SON NOM DEVANT MOI VIEILLE FOLLE !
Zara : Je vois. Passons donc au brieffing, comme ils disent…
Stoïque, la vieille femme dans sa pèlerine noire servit à nouveau du thé. Ceci étant fait, elle enfonça son regard de prédateur droit dans celui de son gendre.
Zara : Il y a peu tu as sans doute rencontré une femme que je t’ai envoyé, Opia Mangata. Celle-ci est membre des Pourvoyeurs, elle est notre protégée. Lors de ta soirée au club, elle avait pour mission de se fondre dans la masse afin de transmettre une cryptoclef à l’un de nos contacts faisant office de mule, un certain Balter Skint. Alors que le Haut-Avocat devait déposer les documents sur Levski incognito, Opia était censé terminer sa mission puis disparaitre vers Pyro grâce à ton aide. Les documents présent sur cette clef impliquent les Pourvoyeurs et sont le travail de plusieurs années, il est impossible que la BlackJack en ait eut vent et pourtant…
Étrange, songea Zath’, Opia n’avait pas l’air particulièrement pressée de retrouver les Pourvoyeurs !
Zathrian : Laissez-moi deviner la suite. La BlackJack à fait on ne sait pas comment une descente dans mon club, Opia et la clef sont introuvables.
Zara : Nous sommes désolé pour le Wanderlust, mais il fallait bien occuper l’ennemi. Simple manœuvre de déstabilisation qui a dérapée. Pendant que la sécurité d’ArcCorp était occupée à gérer une guerre des gangs, elle n’avait pas l’œil sur nous. Nous n’y sommes pour rien.
Zathrian : Et vous pensiez qu’une cyberattaque de cette trempe allé passer inaperçue ? Ces gorilles ne sont pas capables d’une telle prouesse.
Zara : Ces… dommages collatéraux étaient imprévisibles, t’en doute bien. J’ai persuadé le Conseil qu’un dédommagement serait le bienvenu.
Zathrian : Voyez-vous ça ! Un cadeau ! Et puis quoi encore !
Zara : Ce n’est pas un cadeau, c’est un investissement qui je l’espère pourra un peu apaiser cette guerre qui dure entre nos deux familles. Ce yacht est déjà docké dans le hangar du Petrichor, il est à toi. Je pense qu’il pourra sans problèmes remplacer ton ancien club. Il est flambant neuf et équipé d’une technologie de pointe en matière de serveur, de scanner et bien entendu… de discrétion !
Le prisonnier et la chasseuse de prime se lancèrent mutuellement un regard de loin.
Zara : Quoi qu’il en soit Zathrian, tu dois retrouver Opia et cette clef. A l’heure qu’il est, elle doit sans doutes être dans le coffre d’un bunker de l’Advocacy.
Zathrian : Merci, mais je suis déjà sur sa trace. Le Pacte avec Opia est signé, et j’honnore toujours mes contrats. En revanche cette clef m’importe peu, débrouillez-vous avec vos intrigues politiques !
Zara : Non Zathrian. Tu ne comprends pas la gravité. Je dois te donner plus de relief. Cette cryptoclef d’un genre très spéciale contient toutes les découvertes d’Opia au sujet de la tentative d’assassinat de Kelos Costigan durant le sommet Xi’An.
Zathrian en tomba presque par-terre… encore une fois.
Zathrian : Vous êtes des malades ! En pleines élections ! D’accord, je comprends un peu mieux votre cinéma pour m’enlever et me ramener ici. Mais pourquoi me révéler tout ça ?
Zara : Kelos Costigan est le principal instigateur de l’HuXa. Si Kelos meurt…
Zathrian : Oui, il y a de très fortes chances que le Traité Humain-Xi’An meurt avec lui. Mais moi, dans tout ça ?
Zara : Zathrian, ton héritage ainsi que ta tragédie familiale t’honore chez les Pourvoyeurs.
Zathrian : La F.F.S.K, murmura-t-il, comme un homme ayant croisé un fantôme.
Zara roula des yeux en direction de la chasseuse de prime trainant toujours non loin.
Zara : Toi et moi savons que ces informations ne quitterons jamais ce vaisseau, alors voici ce que beaucoup ignorent. Je ne suis que l’émissaire de la branche humaine des Pourvoyeurs, notre organisation vise l’équilibre dans l’univers, le statu quo, en accord avec le Moksha Kan le courant mystique. Les Pourvoyeurs cherchent à vivre en symbiose avec toutes les formes de vies, y comprit certaines dont l’UEE ignore jusqu’à l’existence. Depuis maintenant plusieurs siècles l’Empire Humain s’étends à la vitesse d’un cancer dans tout l’univers. Sans aucun respect pour rien. Et l’univers, le grand Orenda nous observe Zathrian. De nombreux peuples nous scrutent et attendent un geste dans une impatience grandissante. L’humanité est aveugle de sa propre aura. Sa politique impériale militaro expansioniste est une menace pour toutes les races en contact avec elle. Le HuXa n’est pas un simple traité commercial, il s’agit pour toutes les races non humaines de juger si l’humanité est capable de coexister avec quelque chose d’autre qu’elle-même. L’HuXa est une main tendue. Si cela échoue, attendons-nous à l’émergence d’une coalition galactique anti-humains, avec peut-être les Vanduuls en tête. Et inutile de compter sur la vénalité des Banu ou les Teravins allogènes pour se joindre à nous.
Elle marqua une courte pause afin de boire une gorgée puis reprit…
Zara : La dynastie des Messer est à présent morte, l’ancien Empire s’éffondre, une nouvelle ère s’ouvre et il semble que les briques du futur ne peuvent se poser que sur les cendres fumante du passé. L’information est une arme et la liberté un adversaire de l’ultra-capitalisme qui nous gangrène. Nous ne sommes pas des idéalistes, seul l’argent et l’opportunité commerciale fera bouger les lignes du vieux monde. Avec ce traité commerciale, les indicateurs sont au vert. Une maigre fenêtre s’est entre-ouverte pour pouvoir changer le cap, libre à nous de la saisir ou non. L’Histoire nous jugera…
Le pauvre Tiber revint en courant mais Zara le congédia d’un geste irrité, pour reprendre de plus belle.
Zara : Zathrian. Ton errance, ta psychologie, ton lien avec nous, ton passé avec les Xi’An et la relation que tu entretiens avec tes nouveaux amis séparatistes… tout nous pousse vers toi.
Monsieur Kawaakari ne put retenir un soupir de consternation.
Zathrian : Belle-mamam, je saisis tout à fait ce choix ainsi que mon implication dans votre projet. Mais. Il y a manifestement un point que vous, également, ne comprenez pas. Tout ça. J’en ai rien à foutre ! Voilà prêt de 20 ans que je sers de pion pour le compte de la F.F.S.K, de l’Advocacy, de l’UEE. C’est terminé. J’ai peut-être bien envie de voir l’Empire payer pour ses crimes, j’ai peut-être bien envie de voir des mondes en flammes et ses citoyens assumer son silence. Mon grand-père disait : la liberté commence où l’ignorance finit. Écoute et entends le rire du peuple quand nous parlons de la liberté. A quoi sert la liberté d’expression, quand on n’a rien à dire ? Soyons réalistes : la plupart de nos concitoyens n’ont rien à dire, ils le savent pertinemment. Voici venu le temps de la Vendetta. Que ceux qui veulent vivre libre se battent et assument, qu’il rejoignent la COP ou meurent. Quant à moi, j’ai pourtant bien l’intention de remplir mon Pacte. Mais certainement pas en me liant avec les Pourvoyeurs !
Zara : Tu es devenu bien cynique Zathrian. Ton père en serait affligé.
Zathrian : Papa est mort depuis longtemps et moi, j’en ai pris plein la gueule.
Tiber, le pauvre bonze revint encore une fois d’un air tout à fait affollé. Zara n’osa le congédier une énième fois. Il lui murmura à l’oreille.
Zara : QUOI ? Toute une flotte !
La femme pouffa de rire.
Zara : Eh bien mon cher Zathrian, il semble vous ayez plus d’ennemis que prévu ! 43 appareils sont en approche rapide, essentiellement des Cutlass, des Anvil Hawk et des Avenger Stalker ! Voilà qui clos donc notre entretien. D’ailleurs où est passé madame compte en banque impériale ?
Zathrian se leva de table en s’étirant de tout son long, son iroquois touchait presque le plafond de la pagode.
Zathrian : Pour votre information et nos futurs relations Zara, sachez que madame KH3206/45-NX se nomme en réalité Kira Highfall ! Souvenez-vous bien d’elle, car la prochaine fois que votre secte de tarés associera son nom à un chasseur de prime, il risque de pleuvoir des cadavres ! Retenez-bien ça, et retenez aussi qu’à l’avenir si vous vous en prenez encore à Irénée j’irai traquer chaque membre de cette organisation quand bien même devrai-je y passer le reste de ma vie. Pour clore notre entretien, j’accepte effectivement votre investissement en gage de dédommagement mais nous sommes trés loin d’être quitte. Vous n’avez pas fini de sentir l’odeur de la poudre, Zara. Sur ce, si vous daignez bien vouloir consulter votre MobiGlass vous vous appercevriez que la prime est à présent sous votre nom. Félicitation, vous êtes à présent la criminelle la plus rentable de ce système ! Il semblerait que les serveurs de votre yacht soient fonctionnels ! Merci, Zara !
La silhouette de bédouin consulta à la hâte son terminal, et le message suivant s’y afficha :
« Petit garçon les chemins de la liberté font mal aux pieds. Plus tu grandis, plus il te faut changer de souliers. Quand tu deviens adulte, que tu ne changes plus de souliers, la vie sociale te met des boulets que tu as peine à tirer, t’empêchant d’avancer. Petit garçon, alors les chemins de la liberté font encore plus mal aux pieds.«
Sisu Kawaakari
C’est le moment belle-mamam, cria Zathrian en fuyant à moitié nu vers les hangars. Vous devriez peut-être apprendre à courir !
Il pianota sur le clavier flottant de son MobiGlass puis changea de canal.
Zathrian : Kira ! Tu as tout enregistré ? Parfait ! Alors direction Lyria. Je crois qu’on va avoir besoin d’un Prowler… ou peut-être même deux.